Société & Faits divers : Les violences urbaines s'étendent, et avec elles les territoires perdus de la République?
Un palier dans la violence a-t-il été franchi dans les zones sensibles avec la crise du Covid-19? Pour l’ancien préfet Michel Aubouin, c’est plutôt leur propagation qui devrait inquiéter, car de nouveaux quartiers ont en effet été touchés par les émeutes. Les «zones de non-droit» semblent s’étendre. Entretien choc.
Par : Edouard Chanot | fr.sputniknews.com
Dans les zones sensibles, les tensions s’accumulent. Le 27 mai, un policier municipal retrouvait dans son gilet pare-balles, au niveau de l’abdomen, une ogive de 9 mm, après une confrontation avec cinquante individus à Noisy-le-Sec (93). Le 28 mai, un homme menotté était jeté au sol et frappé par des fonctionnaires de police à Neuilly-sur-Marne (93). L'IGPN a été saisie. Des faits qui s’ajoutent aux rodéos sauvages et aux scènes de guérilla urbaine de ces dernières semaines.
[INFO] une balle a été retrouvée dans le gilet pare-balle d’un agent de police municipale à la suite d’une confrontation violente avec 50 individus hier soir à Noisy-le-sec (93). Impact au niveau de l’abdomen. Le gilet PB a-t-il sauvé la vie du policier ?
— EdouardChanot (@edchanot) May 28, 2020
«Les phénomènes de violence urbaine, qui sont très limités, très contenus, qui ne concernent qu’une minorité de personnes, sont traités avec fermeté», déclarait pourtant Laurent Nuñez à l’Assemblée nationale le 19 mai. À l’en croire, force serait donc restée à la Loi: «je veux battre en brèche l’idée qu’il y aurait un embrasement des quartiers.» Vraiment?
«Le gouvernement minimise, mais tous les jours des événements graves ont lieu», constate l’ancien préfet Michel Aubouin, qui n’est plus tenu par son devoir de réserve, au micro de Sputnik:
«À la vérité, il y a un décalage de plus en grand entre la parole du ministre de l’Intérieur et l’action de la police sur le terrain: l’un déclare “je contrôle tout”, mais c’est le terrain qui fait la jauge.»
Auteur de l’essai 40 ans dans les cités (Éd. Presses de la cité, 2019), l’ancien haut fonctionnaire a vu la dégringolade de quartiers entiers sur près d’un demi-siècle. Sans surprise, lui qui a longuement travaillé sur les zones criminogènes avait prévu les violences des dernières semaines: «le confinement allait provoquer des tensions graves, chaque contrôle de circulation donnant le sentiment d’une répression.»
Dépassés par les événements?
Bien sûr, la tension actuelle reste en deçà de la situation de 2005, qu’il a connue en première ligne, alors qu’il était en poste à la préfecture de l’Essonne: «il y a malheureusement eu des décès pendant une intervention de police cette année-là», rappelle-t-il avant d’ajouter: «mais on n’est pas passé loin de l’explosion.»
Une chance que la pandémie ralentisse en cette fin de mai: «si le confinement avait mordu sur l’été, les choses auraient pu s’accentuer.» Ainsi, est-il probable que les tensions dans les zones sensibles aient servi d’argument à l’exécutif pour hâter le déconfinement. Pour autant, la situation n’est pas réglée: «cette année, les jeunes vont rester dans les quartiers.» Les vacances «au bled» sont en effet à écarter: «les communes s’en inquiètent beaucoup», nous souffle notre interlocuteur, qui conseille encore de nombreux maires. Ainsi faut-il s’attendre à un autre rituel des quartiers dans les prochaines semaines: aux rodéos et confrontations avec la police s’ajouteront les canalisations brisées et les piscines dans les rues pendant les vagues de chaleur...
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