Terrorisme : l’architecture de l’organisation judiciaire en matière d’atteintes à la sécurité de la Nation doit être repensée
L’Etat n’a pas pris ou ne veut pas prendre conscience que le défi lancé à notre démocratie est d’ordre civilisationnel, déplore Jean-Paul Garraud, député européen RN et président de l’association professionnelle des magistrats. Tribune.

Image d'illustration : Des soldats en patrouille, à Marseille, début novembre. Photo © Christophe SIMON / AFP
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Par : valeursactuelles.com
Le président de la République, François Hollande, le 16 novembre 2015, à la suite des terribles attentats qui venaient d’endeuiller la France, s’était adressé ainsi aux députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles : « La France est en guerre. Les actes commis vendredi soir à Paris et près du stade de France sont des actes de guerre…Ils constituent une agression contre notre pays… Ils sont le fait d’une armée djihadiste… »
Une chose était de déclarer ainsi la guerre, autre chose était de se donner les moyens pour la gagner. Cinq ans plus tard, à la triste date anniversaire des six attaques au cours desquelles des islamistes ont méthodiquement massacré 130 personnes et blessé gravement 413, où en est-on ? Où en est-on depuis, dans cette « douce France », où l’horreur n’a cessé de se disputer à l’horreur à travers la multiplication des attentats ?
Des mots, des hommages, beaucoup d’annonces et quelques velléités de réformes législatives… A ce jour, après les attaques de Paris, Conflans-Sainte-Honorine, Nice, la France a-t-elle vraiment su réagir, comme l’Autriche vient de le faire ? S’est-elle dotée de tous les outils législatifs appropriés, avec des moyens matériels et humains à la hauteur ? Nullement…
Il aurait pourtant été facile, après cette dernière série d’attentats, de déclarer l’état d’urgence et ainsi permettre des centaines d’arrestations dans les milieux islamistes, des expulsions en masse, des fermetures de mosquées salafistes, des dissolutions d’associations « séparatistes » ! Le collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) n’est toujours pas dissous, la Mosquée de Pantin toujours pas fermée…
Il existe bien un parquet national antiterroriste (PNAT), que j’avais initié, dès novembre 2015, finalement créé par Emmanuel Macron, en service seulement depuis le 1er juillet 2019, mais englué dans de multiples procédures sans fin et ne disposant pas, comme je l’avais préconisé, d’un maillage territorial fort, destiné à exploiter judiciairement toutes les informations remontant du terrain et ainsi prévenir les attentats. C’est là une occasion manquée, une réforme inachevée, un trompe l’œil, bref, de la « justice-Potemkine », plus faite pour la communication que pour l’action.
« Dans une situation de guerre... la réaction de l’Etat, dans la répression des auteurs de ces crimes ne peut pas être trop longtemps différée, en s’enlisant dans les sables mouvants de procédures interminables, comme c’est souvent le cas. »
L’Etat n’a pas pris ou ne veut pas prendre conscience que le défi lancé à notre démocratie est d’ordre civilisationnel. Nos gouvernants godillent piteusement, dépassés par la double urgence de l’heure : l’urgence sécuritaire et l’urgence sanitaire. Alors que la multiplication des actions terroristes, toutes plus horribles les unes que les autres, et dont tout porte à craindre qu’elle n’aille crescendo, exigerait de repenser en totalité notre outil judiciaire et les armes du droit.
Il faut répondre à des impératifs, intimement liés, qui vont chaque jour devenir plus cruciaux : ceux de la rapidité et de l’exemplarité de la riposte. Dans une situation de guerre, face à un ennemi plus ou moins insaisissable, qui peut frapper à n’importe quel moment et n’importe où, avec un impact psychologique énorme, la réaction de l’Etat, dans la répression des auteurs de ces crimes ne peut pas être trop longtemps différée, en s’enlisant dans les sables mouvants de procédures interminables, comme c’est souvent le cas.
De fait, très peu de dossiers sont jugés définitivement eu égard au nombre croissant de saisine du PNAT. Il est souvent saisi mais…combien d’affaires « sortent » ? L’engorgement de ce parquet national, des juridictions spécialisées d’instruction et de jugement, pose bien plus qu’une simple question de moyens matériels : le vice est dans la mécanique procédurale elle-même, dans les archaïsmes et lourdeurs de notre procédure criminelle, générateurs de très longs délais entre l’engagement des poursuites et leur […]
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