VIDÉO - Arrestation de Michel Z. : ce qu'en pense vraiment la police
Valeurs actuelles a recueilli les témoignages et impressions de policiers meurtris par l’écho médiatique renvoyé par l’interpellation brutale de Michel Z., à Paris, samedi 21 novembre. Confidences.

Image d'illustration : Michel Zecler lors de son arrestation, filmée par une caméra de vidéo-surveillance. Photo © GS Group / AFP
Par : Amaury Bucco | valeursactuelles.com
C’est un séisme médiatique. Depuis 48 heures, les images de la violente arrestation filmée de Michel Z., producteur de rap, qui s’est déroulée samedi dernier, dans le 17e arrondissement de Paris, ne cessent de tourner en boucle, remettant sur le tapis l’épineuse question des violences policières. C’est dans ce contexte tendu que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est personnellement intervenu jeudi soir, sur France 2, pour faire part de son émotion face à ces images « choquantes » et « inqualifiables ». « J’ai demandé la suspension de ces policiers », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que « si la justice conclut à une faute, je demanderais la révocation des trois policiers, ils ont sali l’image de la République. »
Mais derrière ce discours de fermeté qui vise en partie à répondre aux réclamations de médias et politiques de gauche et d'extrême gauche, les policiers grognent. En « off », plusieurs d’entre eux se sont confiés à Valeurs actuelles pour exprimer leur désarroi face à l’écho médiatique suscité par cette affaire, confiée aux mains minutieuses de la justice. Sans rien justifier du comportement de leurs collègues, ils s’interrogent sur les conditions de l’interpellation en s’appuyant notamment sur le procès verbal réalisé à l’issue de l’interpellation et auquel Valeurs actuelles a eu accès.
« En regardant les premières images, j’ai été submergé par les émotions », confie un jeune gardien de la paix de la région parisienne, qui a d’abord jugé cette arrestation « inqualifiable », mais qui s’interroge depuis sur la rapidité avec laquelle le tribunal médiatique a jugé l’affaire alors même que les images sont « ambiguës » et les commentaires qui l’accompagnent « orientés ». « On entend seulement la version de Michel Z., jamais celle des trois policiers. Il y a un parti pris évident », explique-t-il, arguant par ailleurs que Michel Z. était loin de se laisser faire, ce qui constitue d’emblée « une rébellion caractérisée ». « J’ai confiance dans mes collègues et j’ai du mal à croire qu’il ce soit réveiller un beau matin en se disant : ‘Tiens, aujourd’hui je vais foutre ma carrière en l’air et je vais casser du Noir’ ».
Ça s'est passé samedi à Paris. 15 minutes de coups et d'insultes racistes.
La folle scène de violences policières que nous révélons est tout simplement inouie et édifiante.
Il faut la regarder jusqu'au bout pour mesurer toute l'ampleur du problème. pic.twitter.com/vV00dOtmsg
— Loopsider (@Loopsidernews) November 26, 2020
Responsable syndical dans la police depuis plusieurs années, un autre membre des forces de l'ordre s'interroge sur les conditions de cette arrestation. Il se met à la place de ses collègues, qui ont aperçu un homme encapuchonné, une sacoche en bandoulière autour du cou, en pleine nuit, sans masque, accélérant le pas à la vue d’une voiture de police. D’autant plus que le procès-verbal rédigé par l’un des agents stipule que la sacoche sentait le cannabis, ce que confirmera plus tard la perquisition puisque les enquêteurs retrouveront en effet un morceau de résine de cannabis dans la sacoche du producteur de musique. « Les policiers tentent alors de l’interpeller pour le contrôler et lui saisissent le bras, mais Michel Z. tente de rentrer chez lui pour leur échapper ce qui provoque la suite », explique le même policier, qui rappelle par ailleurs que Michel Z. « n’est pas un enfant de cœur», « ce qui bien-sûr ne légitime pas une bavure mais peut faire douter de sa parole ». De fait, Michel Z est connu des services de police pour divers affaires de stupéfiants, de vols et d’outrages, qui lui ont valu un séjour en prison. « Quand on se fait interpeller, insiste le même policier, il n’y a qu’une seule chose à faire si on veut que ça se passe bien : se laisser faire ».
« Les policiers sont peut-être partis en vrille, confie une autre source policière, elle aussi responsable syndicale, mais souvent quand la tension et la violence montent, la responsabilité vient des deux côtés : de la police et de la personne interpellée ». Pour ce policier, le phénomène médiatique autour de l’arrestation de Michel Z. ressemble à celui déclenché par l’affaire Théo. « L’émotion et l’immédiateté médiatique avaient submergé l’opinion publique, à tel point que François Hollande, alors président, s’était directement rendu à l’hôpital au chevet de l’adolescent ». L’enquête n’avait finalement pas conclu au viol du jeune homme par les policiers et leurs matraques. « Ce qui me sidère, continue-t-il, c’est le non-respect de la présomption d’innocence dans cette affaire. C’est à la justice que revient la légitimité de trancher et non pas aux médias ou aux politiques. Tout le monde semble l’oublier dans cette histoire ».
Le procès-verbal, effectué par un des gardiens de la paix, explique pour sa part : « Nous tentons d’interpeller l’individu avec peine. Celui-ci se débat et nous repousse à plusieurs reprises avec ses bras en tentant de nous porter des coups et en hurlant des prénoms comme pour solliciter de l’aide afin d’échapper à notre emprise. Nous tentons vainement de procéder à son menottage. » Puis : « Ce dernier devient dangereux à notre égard, nous trouvant dans un milieu clos, qui ne nous permet que peu de mouvements, nous sommes contraints d’effectuer, via les gestes techniques et professionnels, une amenée au sol de l’individu (…). Dans la débâcle, l’homme tente à plusieurs reprises de se saisir de notre arme administrative, se trouvant dans un étui comportant une sécurité, ce qui entrave ses intentions. Il tente également de se saisir d’un objet se trouvant dans sa sacoche, sans succès et sans que nous ne puissions déterminer la nature de l’objet. L’individu hurle et nous donne des coups avec ses bras et ses jambes ». « Son objectif était d’ouvrir la porte au fond du sas pour s’enfuir », a déclaré l’un des trois fonctionnaires. « Toutes techniques étaient inefficaces et lui continuait à crier des prénoms pour appeler à l’aide ».
Les policiers qui se sont confiés à Valeurs actuelles n'en reconnaissent pas moins certaines erreurs manifestes dans cette intervention, comme l’usage de la grenade qui, selon le PV, n’a pas été envoyée par l’un des trois policiers à l’initiative de l’interpellation de Michel Z. Mais aussi le non-respect de la sphère privée. « On ne rentre pas comme ça, chez quelqu’un, sans son accord ou sans autorisation », explique un membre de la police judiciaire. « La bonne attitude aurait été d’attendre devant la porte et de boucler le périmètre », confirme une autre source policière. Pour ces erreurs, et pour le reste, tous attendent des sanctions en fonction des résultats de l’enquête. « Nous avons pleinement confiance en l’IGPN », souligne un syndicaliste policier.
Le moral de la police est aujourd’hui durement affecté par cette polémique, qui vient s’ajouter à celle provoquée par l’évacuation de la place de la République, à Paris, squattée lundi 23 novembre par des centaines de migrants qui y avaient posé leurs tentes avec l’aide de l’association Utopia 56. « Les collègues ont le moral à plat. Certains n’ont même plus envie d’aller bosser », confie un gardien de la paix qui s’indigne du fait que « certaines personnes gobent toutes les images qu’ils voient, sans discernement ». Un membre de la police judiciaire explique quant à lui qu’« on sent une réticence de la population, notamment lorsque nous mettons nos gyrophares pour nous rendre plus vite sur le terrain. Certaines voitures ne veulent pas nous céder le passage. On sent une hostilité. A l’inverse, après les attentats de 2015, il nous arrivait régulièrement d’avoir des remerciements pour notre travail ».
Tous dénoncent encore une grossière manœuvre politique visant à discréditer l’ensemble de l’institution policière dans un contexte politique inflammable. Notamment de la part de l’extrême gauche, résolue à profiter de l’occasion pour avancer ses pions sur le projet de loi de sécurité globale et le controversé article 24 dédié à l’utilisation malveillante des images de policiers. « Il y a clairement une instrumentalisation politique de la part de tous ceux qui veulent s’en prendre à l’ordre et à la République », lâche une source policière, dépitée. « Pour nous, c'est une défaite » […]
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