Violences urbaines ciblant des policiers : «On a l’impression d’être la distraction d’après-dîner»
Dans les Yvelines, « pas un soir sans un tir de mortiers. » Sous couvert d’anonymat, deux policiers évoquent les affrontements avec des jeunes qui touchent, chaque nuit, le département.

Image d'illustration : Dans les Yvelines, les policiers déployés sur le terrain essuient chaque nuit insultes et tirs de projectiles. LP/Mehdi Gherdane
Par : M. Gherdane
Cela dure depuis des semaines, voire des mois. Pas une nuit dans les Yvelines sans que les policiers ne soient pris pour cible. Jets de projectiles, embuscades, mortiers, commissariats attaqués… Chaque soirée apporte son lot de violences urbaines. Trappes, et son commissariat forteresse implanté au cœur du quartier, est régulièrement le théâtre de ces accès de fièvre. Mais les policiers sont aussi attaqués dans des secteurs habituellement plus paisibles comme Villepreux, Bois-d’Arcy, Fontenay-le-Fleury, Maurepas, Les Clayes-sous-Bois… La « synthèse », ce document qui recense sous forme de brèves, tous les faits de la nuit, regorge de mentions « V-U », pour « violences urbaines ». La nuit dernière, c’est encore aux Mureaux (rue des Bougimonts), aux Clayes-sous-Bois (rue de l’Avre) et à Plaisir (avenue François-Mitterrand) que les forces de polices ont essuyé des tirs de mortiers et d’armements collectifs.
Un dispositif spécial pour traquer les tirs de mortiers
La direction départementale de la sécurité publique des Yvelines a même été contrainte de mettre en place un dispositif spécial, en service depuis la semaine dernière : « Un commissaire et un officier sont désormais en alerte sur l’ensemble du département pour ce type de faits. C’est un dispositif nouveau », relate un officier.
Autre nouveauté, cette flambée de violences est amplifiée par l’utilisation quasi systématique des mortiers, ces feux d’artifice qui peuvent occasionner d’énormes dégâts. En janvier, un jeune qui manipulait un engin à Strasbourg (Bas-Rhin) a ainsi eu la tête arrachée après qu’il lui a explosé dans les mains. « Cela participe au faible nombre d’interpellations : grâce à la portée de ces engins, les gars peuvent être embusqués et tirer de loin. Et les collègues font très attention car le risque de brûlures graves est omniprésent. Ce ne sont pas de simples cailloux. Mais je me demande si les crétins qui les tirent en ont conscience. »
Les forces de l’ordre insultées «par des enfants de 6 ou 7 ans»
Un fonctionnaire de terrain se dit « fatigué » par ce harcèlement permanent. Selon lui, les auteurs sont de plus en plus jeunes. « Aux Mureaux, des collègues ont été insultés par des enfants de 6 ou 7 ans qui multipliaient les gestes obscènes, souffle-t-il. Régulièrement, on croise des gamins de 10 ans qui nous jettent des pierres. En général, ça commence vers 19 heures avec un pic vers 22 h 30. Autant dire que le respect du couvre-feu est une utopie dans ces quartiers.
« C’est encore pire depuis le début du ramadan : on a l’impression d’être la distraction d’après-dîner, poursuit le policier. Pour certains, notamment les plus jeunes, c’est un jeu. Quant aux mortiers, c’est devenu une plaie. Ils en achètent sur Internet ou à l’étranger, ils savent contourner les interdictions. A cela, il faut ajouter une météo clémente, le confinement et les vacances et vous avez tous les ingrédients pour alimenter le processus. », râle ce fonctionnaire expérimenté.
«C’est devenu un sport national» : à Poissy et ailleurs, les policiers se disent dépassés par les violences urbaines
Quelquefois, les enquêteurs mettent la main sur des lanceurs sur lesquels ils peuvent récupérer des traces d’ADN. Mais à quoi bon ? « La justice est-elle prête à financer des expertises à chaque fois ? demande cet enquêteur. Et puis, en cas de retour positif, ces traces ne constitueront pas forcément une preuve. »
«On paie les années de rigueur budgétaire et de suppressions de postes»
A cette impuissance judiciaire s’ajoutent des limites en termes d’effectifs. Beaucoup d’agents s’estiment insuffisamment nombreux pour intervenir efficacement. « On paie les années de rigueur budgétaire et de suppressions de postes, analyse ce policier. Or, ce qui est efficace en violences urbaines, c’est d’intervenir vite en nombre. Mettre le paquet calme les mecs et nous sécurise. Heureusement qu’il reste la motivation, notamment chez les plus jeunes. »
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